L’exception : l’assujettissement aux impôts commerciaux

Publié le : mercredi 27 juillet 2022 - Modifié le : vendredi 22 mars 2024

Lorsque les associations exercent une activité lucrative, elles sont susceptibles d’être soumises aux impôts commerciaux, le caractère lucratif de l’activité devant être démontré par l’administration fiscale.

[sommaire]

Selon les principes énoncés par l’instruction fiscale 4 H-5-98 du 15 septembre 1998, entérinés par la jurisprudence constante du Conseil d’État et repris dans la documentation fiscale publiée au Bulletin Officiel des Finances Publiques (BOFiP), le caractère lucratif d’une association est déterminé selon une méthodologie hiérarchique qui doit être appliquée pour chaque activité exercée par l’association.

Dans une réflexion préalable (étape préalable), il convient de se poser la question suivante :
« L’association entretient-elle des relations privilégiées avec des entreprises membres qui, elles-mêmes, en tirent un avantage concurrentiel ? »

Si l’association n’a pas de relations privilégiées avec des entreprises membres, il pourra alors être procédé à une analyse approfondie permettant de définir le caractère lucratif ou non de l’activité de l’organisme.

Cette méthode d’analyse comprend plusieurs étapes :
1. Le caractère intéressé ou désintéressé de la gestion ?
2. Si la gestion est désintéressée, l’organisme concurrence-t-il une entreprise ?
3. S’il concurrence le secteur commercial, l’organisme exerce-t-il dans des conditions similaires à celles d’une entreprise d’un secteur concurrentiel ? (Méthode dite « des 4P »).

Préalable : Les "relations privilégiées"

L’organisme est en principe soumis aux impôts commerciaux s’il entretient des relations privilégiées avec des organismes du secteur lucratif qui en retirent un avantage concurrentiel, étant précisé que tout organisme qui exerce des activités au profit d’entreprises n’entretient pas pour autant systématiquement des relations privilégiées avec les entreprises. Est donc lucratif un organisme qui permet de manière directe à des entreprises du secteur marchand de réaliser une économie de dépenses, un surcroît de recettes ou de bénéficier de meilleures conditions de fonctionnement, quand bien même cet organisme ne rechercherait pas de profits pour lui-même. Sont assujetties à l’impôt sur les sociétés les unions de commerçants constituées sous la forme d’associations dont la mission essentielle est de développer les échanges commerciaux, ce qui permet d’accroitre le volume d’activités de leurs membres (RM Caron, Sénat, 26 janvier 1989, p. 141, n° 1756).

En résumé de l’étape préalable, si une association développe principalement son activité au profit d’entreprises qui en sont membres, elle est nécessairement soumise aux impôts commerciaux. Il est alors inutile de pousser plus loin l’analyse.

Dans le cas contraire, il convient d’examiner le caractère désintéressé de la gestion (étape 1), puis l’examen de la concurrence (étapes 2 et 3).

1ère étape : La gestion de l’association est-elle désintéressée ?

La loi du 1er juillet 1901, en posant le principe de la liberté d’association, définit l’association comme "la convention par laquelle deux ou plusieurs personnes mettent en commun d’une façon permanente leurs connaissances ou leur activité dans un but autre que de partager des bénéfices".

Cette définition signifie que la démarche de ces personnes doit être désintéressée et que l’organisme n’est pas guidé par la recherche du profit.

La gestion d’une association est dite "désintéressée" lorsque sont remplies les conditions posées par l’article 261-7-1-d du code général des impôts (CGI), qui prévoit que :

1° L’association doit, en principe, être gérée et administrée à titre bénévole par des personnes n’ayant elles-mêmes, ou par personne interposée, aucun intérêt direct ou indirect dans les résultats de l’exploitation ;

2° L’association ne doit procéder à aucune distribution directe ou indirecte de bénéfice, sous quelque forme que ce soit ;

3° Les membres de l’association et leurs ayants droit ne doivent pas pouvoir être déclarés attributaires d’une part quelconque de l’actif, sous réserve du droit de reprise des apports.

La disposition visée au 1° ci-dessus a fait l’objet d’aménagements successifs, afin d’autoriser les associations à rémunérer leurs dirigeants sans remise en cause du caractère désintéressé de leur gestion, la notion de " dirigeant " s’appliquant aux membres du conseil d’administration ou de l’organe délibérant qui en tient lieu, mais visant aussi les dirigeants de fait de l’association.

2ème étape : L’association exerce-t-elle son activité en concurrence avec des entreprises du secteur lucratif ?

En cas de gestion désintéressée, le caractère lucratif d’un organisme ne peut être constaté que si celui-ci fait concurrence à des organismes du secteur lucratif. Cette règle répond au respect du principe de l’égalité devant l’impôt. L’application des règles fiscales ne doit pas engendrer une concurrence déloyale entre organismes sans but lucratif et entreprises privées.

Il faut distinguer deux hypothèses :

  • l’activité de l’organisme ne concurrence aucune entreprise : dans cette hypothèse, l’activité de l’organisme n’est pas lucrative et elle n’est donc pas soumise aux impôts commerciaux ;
  • l’activité de l’organisme est exercée en concurrence avec une entreprise (du secteur lucratif) : dans cette hypothèse, l’activité n’est pas pour autant systématiquement lucrative. Pour déterminer le régime applicable, il convient alors de passer à la 3ème étape
  •  

3ème étape : Examen des conditions d’exercice de l’activité.

Une association qui concurrence le secteur commercial n’a pas nécessairement un caractère lucratif car cela dépend des conditions dans lesquelles elle exerce son activité.

La comparaison des conditions d’exercice de l’activité est effectuée selon la méthode du faisceau d’indices en analysant quatre critères classés par ordre d’importance décroissante. Il s’agit de la méthode dite " des 4 P " documentation fiscale publiée au Bulletin Officiel des Finances Publiques (BOFiP).

Si l’association exerce son activité en concurrence avec des entreprises du secteur lucratif, elle pourra toutefois être considérée comme exerçant une activité non lucrative à partir de l’examen des conditions dans lesquelles s’exerce cette activité. . Est considérée d’utilité sociale l’activité qui tend à satisfaire un besoin qui n’est pas pris en compte par le marché ou qui l’est de façon peu satisfaisante. Pour cela, l’administration va rechercher si cette activité s’exerce dans des conditions similaires à celles d’une entreprise, ceci à partir des quatre critères suivants d’importance décroissante (règle des " 4 P ")

  • le produit (répond-il à un besoin non satisfait ?)
  • le public visé (l’organisme permet-il l’accès à d’autres catégories d’individus, habituellement éloignés des services proposés ?)
  • le prix (est-il plus accessible, éventuellement ajusté en fonction de la situation des individus ?)
  • la publicité (l’organisme fait-il seulement de l’information autour de ses actions, ou peut-on considérer qu’il s’agit de publicité pour un produit ?)

Il n’est pas exigé que tous les critères soient remplis pour que les conditions d’exercice soient considérées comme différentes de celles des entreprises du secteur lucratif.

Au terme de cette troisième étape, seules les associations qui exercent leur activité dans des conditions similaires à celles d’entreprises commerciales qu’elles concurrencent, sont soumises aux impôts commerciaux.

Franchise des activités lucratives accessoires

Les associations qui réalisent des opérations commerciales accessoires n’excédant pas un certain montant ne sont pas passibles des impôts commerciaux si leur gestion est désintéressée et si leurs activités non lucratives demeurent significativement prépondérantes (CGI, art. 206 1bis).

Cette franchise est commune aux trois impôts commerciaux : TVA, contribution économique territoriale et impôt sur les sociétés de droit commun. Le montant maximum de ces recettes lucratives accessoires (encaissées au cours de l’année civile) , qu’il est possible aux associations dont la gestion est désintéressée de percevoir sans être assujetties aux impôts commerciaux, est fixé à 78 596 € hors TVA :

  • Pour les exercices clos à compter du 31 décembre 2023 en matière d’impôt sur les sociétés ;
  • Pour les recettes encaissées à compter du 1er janvier 2024 en matière de TVA. Cependant, le seuil de 78 596 € doit également être retenu comme seuil de référence pour apprécier l’éligibilité à l’exonération dépendant du niveau de chiffre d’affaires de l’année civile précédente (l’année 2023).
  • Pour l’année 2024 en matière de CET.

Ce montant est réévalué tous les ans par une publication au bulletin officiel des finances publiques.

Ce seuil :

  • s’applique quel que soit le chiffre d’affaires global de l’association ;
  • s’apprécie par organisme quels que soient son importance et le nombre de ses établissements. Ce seuil s’entend sans taxe sur la valeur ajoutée ;
  • s’apprécie par année civile et non par référence à un exercice comptable ;
  • est déterminé en fonction de l’ensemble des recettes d’exploitation encaissées au titre des activités lucratives exercées par l’organisme. Il s’agit principalement des recettes résultant de la vente de biens et de prestations de services qui relèvent des activités lucratives accessoires. La notion de recettes encaissées se distingue de la notion de créances acquises.

Ne sont ainsi pas prises en compte pour l’appréciation de la limite de 78 496 € (documentation fiscale précitée).

  • les recettes d’exploitation retirées des activités non lucratives (notamment cotisations, recettes des cantines administratives et d’entreprises considérées comme non lucratives, recettes publicitaires des revues considérées comme non lucratives, mais également les aides de l’État et des collectivités territoriales pour la création d’emploi, et les dons et libéralités affectés au secteur non lucratif...) ;
  • les recettes provenant de la gestion du patrimoine (loyers, intérêts, ...) notamment celles soumises au taux réduit de l’impôt sur les sociétés en application de l’article 219 bis du CGI ;
  • les recettes financières notamment celles tirées de la gestion active de filiales et des résultats de participations soumis à l’impôt sur les sociétés de droit commun en application du troisième alinéa de l’article 206 1 bis du CGI ;
  • les recettes exceptionnelles provenant d’opérations immobilières visées aux I et II de l’article 257 du CGI ;
  • les autres recettes exceptionnelles (cessions de matériel, subventions exceptionnelles, ...) ;
  • les recettes retirées des 6 manifestations de bienfaisance ou de soutien organisées dans l’année exonérées en application du code général des impôts (CGI, art. 261-7-1° ).

Possibilité de sectorisation des activités lucratives

Les associations qui ont des activités lucratives non prépondérantes peuvent, sous certaines conditions, constituer un secteur lucratif qui sera alors seul soumis à l’impôt sur les sociétés et à la contribution économique territoriale. Cette sectorisation n’est pas une obligation, ni une solution valable dans tous les cas de figure ; elle nécessite au minimum pour être possible que, sur le plan comptable, les activités non lucratives restent prépondérantes, soient parfaitement dissociables des activités lucratives qui sont ou seront " sectorisées ".
Sur cette question, on pourra se reporter aux précisions figurant dans la documentation fiscale publiée au Bulletin Officiel des Finances Publiques (BOFiP).

Exonération propre à chaque impôt

En vertu de dispositions légales spécifiques, les associations peuvent échapper au paiement de tel ou tel impôt, lorsqu’elles ne satisfont pas à certains des critères de non lucrativité exposés ci-dessus. Ces exonérations concernent la TVA, l’impôt sur les sociétés et la contribution économique territoriale.

Exonération de TVA

Sont notamment exonérés (CGI, art. 261) :

  • les prestations de services et les livraisons de biens qui leur sont étroitement liées fournies à leurs membres, moyennant une cotisation fixée conformément aux statuts, par des organismes légalement constitués agissant sans but lucratif dont la gestion est désintéressée et qui poursuivent des objectifs de nature philosophique, religieuse, politique, patriotique, civique ou syndicale, dans la mesure où ces opérations se rattachent directement à la défense collective des intérêts moraux ou matériels des membres ;
  • les services de caractère social, éducatif, culturel ou sportif rendus à leurs membres par les organismes légalement constitués agissant sans but lucratif, et dont la gestion est désintéressée. Il en est de même des ventes consenties à leurs membres par ces organismes, dans la limite de 10 % de leurs recettes totales (par exemple vente de brochures, fanions, articles de sport...). Sont toutefois expressément exclues de l’exonération les opérations d’hébergement et de restauration ainsi que l’exploitation des bars et buvettes On signalera que, pour bénéficier de cette exonération de TVA, ces associations doivent inscrire dans un compte distinct leurs opérations non soumises à la taxe sur la valeur ajoutée (article 209 de l’annexe II au CGI) ;
  • les opérations faites au bénéfice de toutes personnes par des œuvres sans but lucratif qui présentent un caractère social ou philanthropique et dont la gestion est désintéressée, lorsque les prix pratiqués ont été homologués par l’autorité publique ou que des opérations analogues ne sont pas couramment réalisées à des prix comparables par des entreprises commerciales, en raison notamment du concours désintéressé des membres de ces organismes ou des contributions publiques ou privées dont ils bénéficient ;
  • les opérations effectuées par les associations intermédiaires conventionnées (C. trav., art. L. 5132-7) dont la gestion est désintéressée ;
  • les opérations effectuées par les associations agréées de service aux personnes (C. trav., art. L. 7232-1) ;
  • les ventes portant sur les articles fabriqués par des groupements d’aveugles ou de travailleurs handicapés agréés, ainsi que les réparations effectuées par ces groupements (la renonciation à l’exonération est toutefois possible) ;
  • sous certaines conditions, les ventes portant sur les annuaires et les publications de presse non soumises au régime fiscal de la presse, à la condition, d’une part, que les annonces et réclames ne couvrent jamais plus des deux tiers de la surface de ces périodiques ou annuaires, d’autre part, que l’ensemble des annonces ou réclames d’un même annonceur ne soit jamais, dans une même année, supérieure au dixième de la surface totale des numéros parus durant cette année (CGI, art. 298 duodecies).

Sur l’exonération, de portée générale, applicable au titre des recettes des 6 manifestations de soutien ou de bienfaisance, on se reportera aux précisions publiées accessibles par ce lien.

Enfin, on rappellera :

  • que la législation fiscale prévoit d’autres cas d’exonérations de TVA applicable au secteur non lucratif comme au secteur lucratif (établissements de soins, enseignement scolaire, formation professionnelle, locations occasionnelles de meublés...) ;
  • que lorsque les associations ne peuvent pas bénéficier de l’exonération de TVA prévues par la loi, les opérations relevant d’une activité économique qu’elles réalisent sont soumises à la TVA selon les règles générales (sous réserve de quelques particularités comme, par exemple, le fait de relever du régime du réel normal). Dans ce cadre, les associations bénéficient des franchises en base (CGI, 293 B à 293 F), dans les mêmes conditions que les autres redevables, dès lors qu’elles n’ont pas réalisé au cours de l’année civile précédente un chiffre d’affaires supérieur à 91 900 € pour celles réalisant des livraisons de biens, des ventes à consommer sur place ou des prestations d’hébergement ou 36 800 € pour celles réalisant d’autres prestations de service. Les associations qui bénéficient de cette franchise de base doivent faire apparaître sur leurs factures « TVA non applicable, article 293 B du CGI ».

A noter toutefois que les associations redeviennent redevables de la TVA lorsque leur chiffre d’affaires de l’année en cours dépasse le montant de 101 000 € (livraisons de biens, ventes à consommer sur place ou prestations d’hébergement), ou 39 100 € (autres prestations de services).

Exonération d’IS

Les cas d’exonération sont, pour l’essentiel, les suivants :

  • exonérations liées à celles applicables en matière de TVA. Cette exonération s’applique aux associations qui rendent des services sportifs, éducatifs ou culturels à leurs membres, pour les opérations exonérées de TVA, ainsi qu’au titre des 6 manifestations de soutien et de bienfaisance ;
  • exonérations liées à l’activité de l’association (organisation, avec le concours des communes ou départements, de foires ;
  • expositions, réunions sportives..., organismes de jardins familiaux, associations d’anciens combattants ou de mutilés de guerre pour les bénéfices retirés de l’émission de participations à la loterie nationale...).

Exonération de contribution économique territoriale (CET)

Sont notamment concernés :

  • les organismes de jardins familiaux ;
  • les associations d’anciens combattants ou de mutilés de guerre pour les bénéfices retirés de l’émission de participations à la loterie nationale… ;
  • certains établissements privés d’enseignement constitués sous la forme associative ;
  • sur délibération des collectivités locales, les entreprises de spectacles vivants constitués notamment sous la forme d’associations (théâtres nationaux, orchestres, chorales).

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